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S'inscrireLe bicycle à Bill
Ceci est mon vélo de cyclotourisme, et le premier cadre de vélo que j’ai fabriqué moi-même. Vu que c’était un gros projet qui m’a pris plusieurs années à compléter, je pourrais en parler jusqu’à la fin de mes jours. Je vais essayer de ne pas m’éterniser sur trop de détails!
Je n’avais aucune expérience de fabrication à priori. Je n’avais même jamais tenu une torche entre mes mains. J’ai commencé en prenant un cours offert par Jacques Gallant. Jacques est un métallurgiste local qui est bien connu dans la scène du vélo. Il n’y a probablement que très peu de gens ici qui ont bâti un cadre sans que Jacques leur ai donné un coup de main d’une façon ou d’une autre. C’était avant qu’il offre ses cours actuels de fabrication de cadres de vélo. Le cours était intitulé « Introduction au Brasage pour Réparation de Vélo ». Il m’a enseigné comment braser avec une torche à oxy-acétylène avec du laiton et de l’argent (une méthode pour joindre deux métaux avec de la chaleur. Ce n’est pas techniquement de la soudure, et si on appelait ça de la soudure, les vrais soudeurs vont nous harceler dans les commentaires). Après ça, il y a eu beaucoup d’essais et erreurs. J’ai acheté quelques livres et vidéos à propos de la fabrication de cadres. Par contre, en toute honnêteté, ce qui m’a été le plus utile c’était la page Instagram de Brian Chapman.
Au début, je n’étais pas certain si c’était pour être mon premier et dernier cadre alors je me suis lancé à fond. Après tout, si j’étais vraiment pour n’en faire qu’un seul, je voulais m’assurer de le faire comme il le faut. Éventuellement, j’y suis devenu accro. Je me suis beaucoup amusé à planifier tous les détails. Le fait de pouvoir prendre chaque décision de design moi-même était libérateur. Au lieu de me limiter aux choix restreints imposés par l’industrie du vélo, ou ce qui est disponible par chance sur le marché usagé, je n’étais que limité par mon imagination et, tu sais, la physique.
Ce projet m’a aussi forcé à réfléchir sur des points de conception de cadre et de géométrie que je n’avais jamais considérés auparavant. Je voulais quelque chose d’assez rigide pour le cyclotourisme chargé, mais plus manœuvrable qu’un tank. Je devais réfléchir à quels diamètres de tubes, quelles épaisseurs de paroie et quels différents alliages combleraient le mieux mes besoins. Je devais prendre des décisions sur l’angle du tube de direction et le déport de fourche, tout en essayant de garder en tête les concepts obscurs comme la différence entre le trail mécanique et pneumatique. Et le wheel flop!
Parlons un peu des spécificités du montage. À mes yeux, un vélo de cyclotourisme a besoin d’être assemblé avec des composantes robustes, fiables, faciles à trouver un peu partout et simples d’entretien (c’est-à-dire n’ayant pas besoin d’outils trop spéciaux).
Ce projet a été entamé il y a déjà plusieurs années, alors que le 650B était toujours un standard assez niche. Je n’ai jamais aimé la sensation de monster truck des roues 29”. Le 26”, lui, est probablement le standard le plus répandu sur la planète. Le plus petit diamètre est plus solide et agile, ce qui offre une maniabilité similaire à celle d’un vélo de route. Les plus petites roues réduisent également le ratio de pédalage, toujours un « plus » sur un vélo de cyclotourisme. On s’en fout si je suis grand! (D’ailleurs, quand j’ai designé ce vélo, avoir des pneus de 2”+ sur un vélo de « route » était encore considéré extrême. Les Rat Trap Pass venaient de sortir, et si tu regardes de près, ils ont le logo « Compass » qui date d’avant le rebrand René Herse).
À L’arrière j’ai un moyeu de Velo Orange. J’aime les roulements scellés sur un randonneur parce qu’ils ne vont pas endommager le moyeu si les roulements s’endommagent un jour (idem pour le jeu de pédalier et le jeu de direction). C’est très pratique que le corps de cassette, et par ce fait la cassette, peut être retiré facilement sans outils. Ça facilitera le remplacement d’un rayon brisé si jamais. Considérant que c’est une roue à 36 rayons à buté double lacés à des jantes Rhynolite (des modestes chevaux de batailles), il est très peu probable que je brise des rayons. Cela étant dit, j’ai tout de même brasé des supports pour des rayons de remplacement, juste au cas où.
Le moyeu avant à dynamo alimente mes lumières et un chargeur USB pour mon GPS et autres appareils. Tout le filage est interne. En plus d’être visuellement plus discret, les fils sont protégés des éléments et des accrochages. Là où les câbles sont visibles, ils sont munis de prises à déconnexion rapide. L’idée c’est que le câble pourra se déconnecter, au lieu de s’arracher, au moment d’un accrochage. C’est également pratique si j’ai besoin de les démonter pour l’entretien ou pour voyager.
J’aime beaucoup mon chargeur USB Sinewave qui remplace le capot de potence. J'ai aussi fabriqué la potence, avec un support intégré pour Garmin. J’utilise un câble plutôt court pour aider avec la gestion des fils, et pour donner un look plus propre. D’autres détails pertinents de la potence: un support de clochette, des entretoises intégrées, un arrêt de gaine de frein avant avec un barillet ajusteur à dégagement rapide, une plaque frontale amovible compatible avec le décaleur avant et une vis de serrage semi-cachée, juste pour le plaisir.
Pour moi, le choix de transmission était clair, et je ne peux pas croire que c’est controversé parmi certains: un triple! Comment est-ce qu’ils sont devenus démodés? J’ai une plus grande étendue de vitesses qu’avec un moyeu Rohloff, aucun problème de cadence typique avec un système 1x et une merveilleuse ligne de chaîne! Vous souvenez-vous de la ligne de chaîne??
J’ai un pédalier Takagi Tourney XT. Takagi était un fabricant de pédaliers japonais que Shimano a acquis pendant les années ‘80 et ils ont adopté certains des noms de produits de Takagi mais pas exactement. Je trouve amusant le fait d’avoir un Tourney qui est aussi un XT. Le pédalier est assez vieux qu’il a besoin d’un axe asymétrique. Pour contourner ce léger mal de tête de design archaïque, il faut installer un jeu de pédalier de 73mm dans le boîtier de 68mm et utiliser les entretoises nécessaires pour obtenir le décalage nécessaire.
Je crois que les composantes 9 vitesses Shimano offrent la meilleure durabilité, plus de compatibilité (le fait de pouvoir mélanger les gammes de route et de montagne comme j’ai fait ici), et le nombre de vitesses utiles. Je suis un mécano de vélo, donc je suis obligé d’aimer le changement de vitesse à friction. Mais, à la différence de mes collègues, ce n’est pas ma préférence. J’ai essayé de leur expliquer, un barillet ajusteur c’est pas villain, YouTube peut te montrer comment. Normalement j’aime les leviers de route intégrés, mais sur un vélo de cyclotourisme, l’option de passer en friction peut te sauver la randonnée. Ces leviers de bout-du-guidon Dura-Ace sont un bon compromis. L’indexation est excellente, mais si jamais quelque chose ne va pas, je peux tout simplement les mettre en mode friction. C’est rassurant de savoir que je peux y mettre n'importe quelle roue arrière, même avec une roue-libre 5 vitesses, et n'importe quel dérailleur arrière et le vélo redevient roulable. Un dérailleur avant Ultegra et un arrière XT (décapés, formés et polis) complètent le système de changement de vitesses.
Dès le départ, je savais que je voulais des freins sur jante. Il y a de très bons arguments en faveur des freins à disque sur un vélo randonneuse. Entre autres, la surface de freinage est facilement remplaçable, ce qui veut dire que des bonnes roues pourraient durer indéfiniment. Cela dit, je n’ai toujours pas trouvé une combinaison de leviers de route et d’étriers mécaniques que j’aime, et je ne voudrais pas commencer à gosser avec des hydrauliques sur un vélo de cyclotourisme (la simplicité est de mise!). En fin de compte, la vraie raison pour laquelle j'ai opté pour les freins sur jante, c’est que quand je pars en voyage avec mon vélo, je ne veux pas passer mes journées à entendre le « ding ding ding » des rotors qui frottent sur les plaquettes. Libre à vous de me faire changer d’avis.
Ces cantileviers Dia-Compe, rehaussés avec des patins Kool-Stop offrent tout ce que je peux souhaiter d’un ensemble de freins. Sans parler du fait que *j’adore* les leviers. Points bonis pour les arrêts stylés avec les leviers de dégagement rapides intégrés.
J’ai fabriqué les portes-bagages moi-même, ce qui fut vraiment amusant! C’est un excellent point de départ pour tout soudeur de vélo en herbe. Ils sont beaucoup moins dispendieux à fabriquer et plus simple d’apprentissage. Ceux-ci ont été spécifiquement conçus pour mon cadre de vélo, donc il n’y a pas d’ajustabilité. Le résultat est un ensemble de portes-bagages plus rigides et plus simples à installer et à retirer. J’aime bien jouer avec les différentes configurations selon mes besoins. Si vous avez déjà croisé mon vélo en ville, il était probablement en mode « commuter » muni uniquement du sac de cadre, du sac de guidon et son support.
En parlant de sacs, il y a un mélange un peu étrange ici. Les seuls que j’ai achetés neufs sont le Atwater Jellybean et le sac de cadre fait sur mesure. En voyage, le sac de cadre contient mes pôles de tente. En ville, ma trousse de réparation.
Le reste des sacs ont été achetés de seconde main, incluant les sacoches vintage. Le sac de guidon de style randonneur Acorn complète le tout. J’adore la polyvalence de ce genre de sac. J’y ai toujours facilement accès pour prendre mon téléphone, mon portefeuille, mes lunettes de soleil, des collations, mon manteau de pluie, mon cadenas, un chandail, n’importe-quoi vraiment! Cela veut dire que mes poches sont vides et je peux profiter de ma balade sans avoir peur de perdre quoique ce soit.
Pour la finition, je voulais quelque chose de simple. J’ai choisi la peinture cuite (powdercoating) pour sa durabilité. Johnny de Insayne Kustomz a fait un travail magnifique en gardant les couches de revêtement assez minces pour ne pas ensevelir les détails des raccords sous trop de peinture. J’ai choisi la couleur selon la logique pandémique de : « n’importe-quoi qui est présentement en stock », et je suis heureux de mon choix.
Le seul décalque sur le cadre est un petit graphique qui décrit son origine: « Fait par des colonisateurs à Tiohtià:ke, territoire Kanien’kehà:ka non cédé ». C’est ma réponse à la phrase « Fait à Montréal » qu’on voit plus souvent. Je comprends l’idée d’être enthousiaste par rapport aux choses fabriqués dans sa propre communauté, par des personnes que l’on connaît, et les touches personnelles qui les rendent si spéciales. Je voulais donc souligner cette idée sans effacer la vérité de ces terres sur lesquelles nous nous trouvons et la violence qui en perdure. C’est un simple geste qui démontre qu’un vélo peut être un moyen d’expression au-delà de nos préférences techniques ou stylistiques, mais aussi de nos convictions et de nos valeurs.
J’ai passé énormément de temps à travailler sur ce vélo, et je pourrais parler davantage à propos de chaque détail. Les double tubes supérieurs, le protecteur de fouet de chaîne sur-mesure, les supports à lumières faits maison, les capots de haubans en acier inoxydable, et je n’ai même pas parlé des raccords taillés à la main! Mon détail préféré? Le réflecteur en forme de drapeau palestinien fait par Harry chez Bikecrud. Palestine libre!
J’ai l’intention de fabriquer d’autres cadres, pour le plaisir. J'en ai récemment complété un deuxième. Et oui, le fait de l’avoir fait moi-même le rend encore plus agréable à rouler!
Photos: Troy (@killiskii)